La navigation sur le CDT

On m'a fait croire que l'on ne parle plus d'un chemin facile à suivre (sans neige) comme le PCT et que là, il va falloir naviguer. C'est presque toujours faux: l'orientation sur le CDT ne pose que très peu de problèmes. L'association qui gère le CDT, la CDTC, a entrepris un gros effort de marquage du sentier. C'est à mon avis bien dommage car cela en amoindrit le côté sauvage, mais c'est comme ça. A ce jour, ce marquage est très inégal car mis en place par des volontaires : très présent au Nouveau Mexique, ridicule même par son abondance après Grant, il est encore  absent des variantes, peu visible sur certains secteurs d'altitude, voire totalement absent sur de nombreuses crêtes. Dans les parcs nationaux, il est remplacé par la signalisation des parcs, plus discrète mais suffisante. Dans la quasi totalité des zones non balisées, des cairns, la plupart du temps bien visibles, indiquent la direction.

 

En réalité, en dehors de rares zones dans les prairies d'altitude, l'orientation ne pose aucun problème à un marcheur attentif lorsqu'il n'y a pas de neige, d'autant plus que la cartographie GPS est excellente. Attention cependant: s'il y a de la neige, en particulier dans les montagnes de San Juan, cela change du tout au tout et le parcours devient difficile à trouver et souvent dangereux à parcourir sans équipement de montagne (crampons et piolet) et sans une solide expérience de la navigation en montagne.

 

La vérité est que quelques centaines de personnes par ans qui passent au même endroit créent un sentier par leur simple passage: le CDT est donc assez facile à suivre sur le terrain.

 

Les cartes restent évidemment indispensables pour lever des doutes et surtout pour repérer l'eau et/ou les possibles emplacements de bivouac. Un vrai GPS (pas seulement un AGPS) est d'une aide irremplaçable.

 

Papier ou électronique?

 

Je reste adepte des seules cartes électroniques et ne prends plus de cartes papier à cause de leur poids. Pour moi, et à condition d'avoir un smartphone solide avec une bonne batterie et une grosse carte mémoire, les cartes électroniques ont des avantages déterminants:

  • elles ne pèsent rien: du coup, on peut en prendre plusieurs jeux avec des échelles différentes pour cumuler les avantages et la couverture du terrain.
  • elles sont, pour la plupart, couplées au GPS donc pas de triangulation toujours délicate  à faire pour connaître sa position.
  • elles incluent les points d'intérêt (waypoints) et parfois les traces.

Elles ont aussi quelques inconvénients:

  • Si le smartphone tombe en panne... ouille. D'où la nécessite d'en prendre un solide et étanche, plus une boussole classique pour les imprévus. Pour ma part, je prends deux téléphones/GPS: un Carterpilar S41 très solide en tant que GPS principal et base cartographique, et un Samsung Galaxy S8 pour la photo et en GPS/base cartographique de secours.
  • si on utilise le smartphone pour écouter de la musique ou lire, ce qui n'est pas mon cas, on aura un problème d'autonomie et il faudra alors prévoir un chargeur solaire ou une batterie d'appoint, d'où du poids supplémentaire.
  • l'écran d'un smartphone est petit (et une tablette serait trop lourde): il est parfois difficile de bien lire les détails de la carte si on a besoin d'avoir un champ de vision de l'ordre de 20Km ou plus.

Le GPS est donc  devenu incontournable, mais il ne faut pas trop lui en demander. Dans les forêts, la couverture végétale est souvent trop dense pour bien capter les satellites. Par ailleurs, l'utiliser continuellement durant 3 à 5 jours épuise la batterie trop vite. Il faut donc naviguer en observant le terrain et n'utiliser le GPS que pour fixer sa position et sa direction de marche aux croisements en cas de doute.

 

Les GPS classiques, type Garmin, sont à mon avis dépassés: leur écran est nul, ils ont une mémoire trop faible pour les nombreux points de trace d'un long parcours et trop faible aussi pour embarquer toutes les cartes. Je préfère utiliser un smartphone étanche, pourvu d'une grosse batterie et d'une carte mémoire: j'ai ainsi à la fois à disposition hors réseau les cartes US équivalentes à nos cartes au 25.000eme pour TOUT le parcours et la collection complète des cartes Bear Creek sur l'appli Guthook, CDTC en pdf, Jonathan Ley sur l'appli Avenza et les atlas par état sur l'appli BackCountry Navigator Pro avec tous les points d'intérêt. De même, je dispose des traces GPS de tout le parcours, sans être limité aux 500 points de trace de Garmin. J'ai choisi le Caterpilar  S41 pour sa robustesse et son énorme batterie de 5.000Mah qui lui donne une autonomie en usage avion de 8 à 10 jours. J'avais aussi le S8 de Samsung en modèle américain pour la téléphonie locale et la photo (il remplace très bien un appareil de photo compact avec une qualité de cliché presque aussi bonne). Il capte en plus la nouvelle constellation de satellites de positionnement Galiléo, mais ils est relativement fragile et son autonomie est trop limitée en usage GPS pour le CDT, à moins de prendre une ou des batteries additionnelles.

 

Il est possible qu'un téléphone soit un peut moins rapide ou précis qu'un GPS dédié, mais je pense que c'est marginal au regard des avantages du smartphone. Il faut juste faire attention en le choisissant et s'assurer qu'il s'agit d'un vrai GPS captant les signaux A-GPS (ceux émis par les relais téléphoniques), mais surtout les GPS satellitaire directs et si possibles Glonas (le système russe) et maintenant Galiléo, le système européen encore peu répandu.

 

Attention aussi avec la boussole: il faut la tenir éloignée du smartphone sinon elle indique n'importe quoi. Par ailleurs, ne vous fiez pas trop aux boussoles électroniques des smartphones: elles ont tendance à indiquer n'importe quoi dès que les conditions ne sont pas optimales.

 

NOTE sur les Batteries: toutes les batteries sont affectées par le froid qui les décharge rapidement. Dès qu'il fait moins de 5°, mettez tous vos appareils électroniques et batteries d'appoint sur vous, ou dans votre sac de couchage la nuit, sous peine de voir les batteries se vider.

 

Quelles cartes?

 

Puisqu'elles ne pèsent rien et que j'ai 124Go de mémoire, je prends:

  • Avant tout, le jeu complet de Bear Creek Survey avec l'appli correspondante Guthook qui reste la référence sur le CDT.  L'appli est gratuite mais les cartes sont payantes (40$ pour tout le CDT, 11$ par État - allez sur Play Store et cherchez "Guthook's CDT guide"). Ils ont aussi leur collection de cartes sous forme de livres (4 livres, un par État, pour l'ensemble du CDT), feuillets non reliés ou fichier pdf. Si vous avez encore un GPS dédié type Garmin, allez voir sur leur site pour trouver des cartes mémoires pré-remplies. Ce sont à mon avis de loin les meilleures cartes du CDT, avec l'avantage énorme d'avoir des commentaires détaillés sur les points d'intérêt, en particulier sur les points d'eau, qui sont remplis par les marcheurs eux-mêmes en temps réel et qui s'actualisent automatiquement lorsqu'il y a du réseau ou de la Wifi. Leur défaut est de ne présenter visiblement que la trace du CDT, en laissant quasi invisibles les autres chemins ou routes et de ne montrer qu'un couloir assez étroit: pour palier à cet inconvénient, je prends aussi les atlas pré-construits ci-dessous.
  • Les atlas pré-construits de tous les États traversés. Elle sont lisibles et téléchargeables gratuitement avec l'appli BackCountry Navigator Pro. Elles donnent une vision d'ensemble et sont utiles pour planifier les transits vers les points de ravitaillement, de départ et d'arrivée. Téléchargez l'appli et, dans l'appli, allez à "prebuilt maps" dans le menu cartes. Le téléchargement est très lent et loupe souvent: il faut insister. Vous pouvez aussi télécharger gratuitement dans cette appli l'ensemble des waypoints du CDT disponibles sur le site de Bear Creek Survey.
  • Un couloir d'environ 30Km de large sur tout le trajet du fond de carte CalTopo US 24K équivalent à nos 25.000eme IGN. C'est aussi gratuit et téléchargeable sur l'appli BackCountry Navigator Pro, mais il faut être patient, c'est très long. Dans le menu cartes de l'appli, allez dans le "select areas for download". Le téléchargement est très lent
  • Le jeux de cartes de Jonathan Ley   sur le logiciel Avenza. Elle sont populaires car gratuites, à cause de leur nombreux commentaires et grâce à un fond cartographique plus détaillé que Guthook. Cependant, ces cartes datent de plus de dix ans et sont mal actualisées. De plus, le tracé du CDT est approximatif.
  • Le nouveau jeux de cartes pdf fourni par la CDTC, gratuites, mais non associées à un logiciel GPS.
  • la liste des waypoints que je télécharge sur l'appli BackCountry Navigator (voir la navigation ci-dessous).

 

Les guides.

 

Je collecte les renseignements sur les points de ravitaillement et les temps de marche dans deux guides:

celui de YOGI , payant et lourd mais complet, en anglais.

celui mis en ligne par le CDTC, gratuit mais moins complet, aussi en anglais.

J'ai aussi trouvé intéressante la lecture (en anglais) du blog de WalkingWithWired.

 

La navigation.

 

Je navigue essentiellement à vue, c'est à dire que je regarde la carte pour noter les caractéristiques des prochains kilomètres comme:

  • les points remarquables dans l'axe de marche
  • le degré et le sens des pentes
  • les accidents de terrains (vallées, cours d'eau, crêtes)
  • les routes ou constructions
  • la direction magnétique.

Ensuite je suis la ligne que j'ai dessinée sur le paysage et je ne sort le GPS pour fixer ma position que si j'ai un doute.

 

 

Petit rappel sur la navigation à la boussole/GPS

Ne pas oublier de tenir compte de la déviation magnétique, c'est à dire de l'angle formé par la direction du nord géographique, celui de la carte, et du nord magnétique, celui de la boussole. Elle est généralement indiquée en bas des cartes. Elle est de 9° EST pour le Nouveau Mexique début 2018 (elle varie selon la date et l'endroit).

Cela signifie que pour marcher vers le Nord de la carte, soit 0°, il faut viser 9° EST : pour suivre un azimut (ou direction) géographique, il faut:

  •   AJOUTER la déclinaison si celui-ci EST, 
  •   RETIRER la déclinaison si elle est OUEST.

 

Plus généralement, lorsque l'on utilise la carte et la boussole pour définir un cap, soit on oriente la carte au nord magnétique et on lit directement l'azimut (mais c'est difficile sur le terrain), soit on ne s'occupe pas de l'orientation de la carte, on trace une ligne sur son axe de marche prévu que l'on prolonge jusqu'à une ligne verticale de la carte, ou son bord, on place la ligne de visée de la boussole sur cette ligne avec l'axe de la boussole à l'intersection de la ligne verticale (le nord géographique) et de l'axe de marche,  puis ont oriente le nord de la lunette tournante boussole sur le nord de la carte (le bord vertical). Il faut alors, pour avoir le cap magnétique:

  • AJOUTER la déclinaison magnétique EST ou
  • RETIRER la déclinaison magnétique OUEST.

Ne jamais utiliser un GPS et une boussole près l'un de l'autre: le champ magnétique du GPS fausse les indications de la boussole.

Ne jamais se fier aux indications d'une boussole électronique de téléphone portables: certaines sont bonnes, mais rarement précises et jamais entièrement fiables.


 

Par ailleurs, lorsqu'on navigue à la boussole ou au GPS, il faut absolument éviter de marcher les yeux sur les indications de l'appareil car il est très facile de marcher dans la bonne direction mais en crabe pour éviter des obstacles ou suivre une pente et donc finalement finir pas du tout où l'on voudrait aller.

Dans l'exemple ci-contre le marcheur au point A vise bien un lac à 325° magnétique, mais tout en marchant dans la bonne direction, il dérive lentement vers le point B plus au nord à cause de la pente.

 

Il faut donc viser un point du paysage, aussi lointain que possible, et marcher vers lui aussi droit que possible.

 

Quelque fois, dans une forêt par exemple, cela signifie faire des visées tous les quelques dizaines de mètres.

 

 

 

 

Enfin, ne soyons pas présomptueux: sauf visée facile ou coup de chance, on dérive toujours un peu sur quelques heures, et parfois énormément si les conditions sont difficiles (terrain très accidenté, forêt). Il est peu prudent de viser un point difficile à identifier car quand on le loupe, on ne sait pas s'il est à gauche ou à droite de notre position.

Dans ces cas, il faut mieux prévoir l'erreur en visant un point légèrement décalé sur une ligne identifiable (par exemple quand telle montagne sera à 95° de ma position). Une fois arrivé sur cette ligne, il suffit de la suivre sur une courte distance dans le direction du décalage.

Souvenez-vous que plus le point de repère visé est proche et plus il se trouve à un angle droit de votre ligne de marche, plus il est facile de mesurer le décalage au fur et à mesure de votre avancée et donc de fixer votre position: ainsi, le marcheur de A1 à B1 mesurera mieux sa position par rapport au sommet repère que le marcheur allant de A2 à B2 car les angles qu'il mesurera seront très proches l'un de l'autre.

 


Il y a aussi des cas désespérés: en cas de brouillard, si le terrain est difficile... attendez un temps plus favorable. Ne pas perdre une demi-journée ne vaut pas une jambe cassée.

 

Enfin, méfiez-vous des raccourcis: ils sont souvent très, très longs, surtout dans les forêts américaines qui sont incroyablement encombrées d'arbres tombés. Sauf visibilité parfaite sur tout le parcours, il est plus rentable de revenir sur ses pas jusqu'au dernier point connu et de repartir de là dans le bonne direction. Prendre un raccourci demande une excellente lecture de carte et un peu de chance: j'ai ainsi mis 1h30 à m'extirper d'une zone couverte de manzanita qui ne faisait que 100 de diamètre en 2016! Plus proche de chez nous, essayez de traverser un beau roncier et vous comprendrez ce que je veux dire.