Section 27 à 32, du 29 mai au 29 juin

de Ashland, mile 1.720, à White Pass, Washington, mile 2.292.

Dimanche 29 mai, 39km,  mi 1740

 

Avec 5 jours de bouffe et 3 litres d'eau, je suis assez lourdement chargé  pour l'entrée dans l'Oregon, mais après la mise en jambes, c'est une journée agréable avec peu de dénivelés et de belles forêts aux essences variées parsemées de ravissantes prairies. Les kilomètres s'enchainent sans peine et j'ai de nouveau le sourire aux lèvres: il faut croire que les journées de repos et les vitamines font leur effet et que la machine repart, mais il ne faudra pas abuser et surtout manger plus car je perds du poids. C'est Memorial Day (férié) et il y a beaucoup de promeneurs. Mon allure de marcheur PCT commence à attirer les regards et les commentaires bienveillants.

 

Lundi 30 mai, 37km,  mi 1763 

 

J'avais peur d'un passage à 2.000m en versant nord, mais il n'y a que quelques plaques de neige. Par contre, le vent a dû souffler fort cet hiver et des milliers d'arbres sont tombés: dans certains coins, c'est un vrai jeu de quilles. Des dizaines et des dizaines de troncs encombrent le chemin; ça passe toujours, mais c'est souvent de l'acrobatie. Peu de relief, des arbres à perte de vue et toujours beaucoup de plaques de neige, parfois étendues... en fait, il y a plus de neige que de sol. Grand beau. Je tire un peu la patte sur la fin de journée. Je trouve un petit espace en bord de ruisseau, mais les moustiques sont là et en plus, ils grossissent!

 

Mardi 31 mai,  13km,  mi 1771    - Klamath

 

Toujours beaucoup d'arbres en travers du chemin. De nombreuses anciennes coulées de lave où, heureusement, le chemin a été bien aménagé car se sont des chaos coupants et instables. Les journées ne se ressemblent pas: je suis parti tout feu tout flammes d'Ashland, mais là, c'est le fond du trou, je peine à mettre un pied devant l'autre et surtout je suis las, je n'ai plus ni énergie ni entrain et les passages neigeux avec arbres abattus me font peur soudain: peur de glisser sur le bois mouillé, de tomber dans l'abattis et de ma casser une jambe ou de m'empaler sur un moignon de branche. Je m'arrête souvent pour regarder la carte qui me promet 2-3 jours de forêt enneigée jusqu'à Crater Lake: non, je ne peux pas me lancer là-dedans dans mon état. Il faut que je rompe la spirale de la fatigue. Arrivé à la seule route de la section, je tente le stop dans les deux sens: qu'importe où je vais pourvu que je puisse me reposer vraiment car, finalement, je ne me suis pas encore arrêté plus d'une journée de suite depuis le départ. C'est l'est qui gagne et vais jusqu'à Klamath avec un étudiant mexicain dont la vieille voiture surchauffe tous les 40km. Je vais donner dans le luxe, et m'offre 3 nuits à l'Holliday Inn. Achat de répulsif à moustique: ouf! Il commence à faire chaud et j'espère que la neige va fondre.

 

Mercredi 1er juin, Jeudi 2 juin.  0km, Klamath

 

Repos. Je trouve une TA qui me conduira à Mazama Village et qui m'invite aussi à dîner avec trois cyclotouristes qu'elle héberge.

 

 

 

Vendredi 3 juin, 11km,  mi 1818    Crater Lake

 

Grand beau. Le mari de ma TA, ancien forestier, m'emmène à Mazama Village, au pied du Crater Lake, où je récupère une boite. Il y a encore de la neige partout! Départ vers le bord du cratère : pas de sentier visible, mais  il suffit de monter, je suis reposé et la neige est dure. Crater Lake est un impressionnant lac de cratère d'un bleu éblouissant, profond de 570m et très touristique: il y foule au parking et pas d'endroit où camper car j'ai mal lu la carte et confondu deux symboles; il y a juste une auberge très chère. Je prends de l'eau et continue sur le chemin enneigé où il n'y a personne. Du coup, je trouve un petit espace plat et sec sur le chemin lui-même un km plus loin et me pose pour la nuit, en toute illégalité mais avec une vue ébouriffante sur le lac. La neige est épaisse sur le bord du cratère et demain je marcherai plutôt sur la route déneigée en contrebas car il y a peu de circulation.

 

 

Samedi 4 juin, 23Km,  mi 1846 - Diamond Lake.

 

Mauvaise nuit car début de lambliase (une cousine de l'amibe), ou peut-être intolérance au glutamate du jerky, je ne sais pas, les symptômes sont proches. Je descends donc sur la route pour m'économiser, mais c'est long, long, chaud et ennuyeux. Il fait une chaleur étouffante, le soleil tape dur derrière un voile léger et la lambliase se développe; je réussi à attraper de plus un début de coup de chaleur! Le pompon. Je bois comme un trou et dois même arrêter une voiture pour demander de l'eau, mais rien n'y fait. Heureusement qu'il y a un ange gardien pour les marcheurs: alors que je me reposais à l'ombre étouffante d'un maigre buisson au bord de la route avec un mal de tête à braire, un TA apparaît et me propose un bout de conduite! Je me fait déposer au camping de Diamond lake, ouf: repos, douche, beaucoup d'eau, aspirine, tinidazole  et repos. Je n'ai quasiment rien mangé mais n'ai pas  faim.

 

Dimanche 5 juin 40km  mi? 

 

De nouveau les jours se suivent et ne se ressemblent pas: le tinidazole a produit son miracle, je suis juste un peu barbouillé, mais en forme. Je n'ai cependant pas envie de recommencer à naviguer dans des traversées enneigées, et je décide de quitter le PCT pour contourner le mont Thiessen par l'est en suivant des chemins et routes forestières. Facile et rapide. Je vois un magnifique ours noir qui me laisse le temps de le photographier. La carte sur mon GPS n'est pas très précise et je croise deux ruisseaux non indiqués: si j'avais su, cela m'aurait épargné de demander de l'eau aux voitures, mais il faut reconnaître que c'est facile:  il suffit de montrer une bouteille renversée et les conducteurs s'arrêtent très vite, certains même font demi-tour pour moi ou s'excusent de ne pas en avoir assez! Passage aussi par une zone inondée par les castors, mais il fait chaud et marcher dans l'eau est plutôt un plaisir. Camp vers 16h car un orage arrive. J'ai fait une bonne journée sans trop de fatigue et je suis bien content, et rassuré, que la forme revienne car hier j'étais bien bas.

 

Lundi 6 juin, 42Km,  mi?  

 

Que de routes de toutes sortes  dans la forêt: dégagées, encombrées de troncs - parfois tous les trente mètres, larges et gravillonnées (pas drôle, surtout pour les pieds), larges ou discrètes, bref de tout. J'avance vite. La carte reste sommaire mais suffisante. Il fait très chaud et une rivière offre un bain bienfaisant. Je longe une voie ferrée et les locos klaxonnent toujours autant. La fin est pénible pour les pieds avec ces terrains plats et durs. Je trouve une rivière 3-4km avant Cresent Lake et m'y pose: en plus, elle sort d'un marais et elle est délicieusement tiède. L'anti-moustique local est assez désagréable car huileux, mais il est efficace. La lambliase est passée, mais je reste dégouté par le jerky et élimine la viande de mon menu. On verra comment ça évolue, mais le poids du sac à bouffe ne baisse pas vite.

 

Mardi 7 juin, 29km,  mi 1905    - Odell Lake - Shelter Cove Resort

 

Bonne nuit malgré une grosse bête qui a fait x fois le tour de ma tente. Une route forestière me permet de contourner le lac, dont les abords sont si lourdement boisés que je ne l'apercevrai qu'une fois. Je rejoins une variante du PCT qui passe à l'est des monts Thiessen par une ravissante petite vallée avec un gros torrent et des lacs en haut. IL y a énormément d'arbres abattus mais peu de neige, ce qui est encourageant pour la suite. baignade rapide dans un lac bien froid, mais les moustiques sont nombreux, affamés et désormais assez gros pour piquer à travers la plupart des vêtements. Il fait près de 30°: si ça continue, je changerai mes horaires pour faire une longue sieste à midi. Arrivée vers 15h au camping du Lac Odell où je trouve DEUX boites de ravitaillement: celle d'origine envoyée par la poste et celle envoyée plus tard par UPS lorsqu'on ma informé que la poste ne livrait pas à Odell Lake! Pas vrai à l'évidence, mais tant mieux pour les suivants qui trouveront un Hiker Box bien garnie (boite en libre service alimentée par le surplus des marcheurs). Par contre, ils n'ont plus de répulsif à moustiques, mais là encore, la magie du PCT opère et après quelques minutes de conversation, une campeuse va me chercher dans sa voiture son flacon de réserve! Les gens sont merveilleux.

Mercredi 8 juin, 32km, mi 1923

 

Montée sans trop d'abattis. Je trouve au premier lac un camp scout qui se réveillé à peine à 8h30. La neige commence vers 2.000m et devient gênante vers 2.100m. Il n'y en pas assez pour naviguer tout droit à la boussole, mais assez pour cacher le chemin qu'il faut donc deviner et retrouver une fois qu'on l'a perdu. Bon, aujourd'hui il n'y aura eu qu'une heure difficile. De gros nuages gris descendent sur les reliefs, alors je m'arrête vers 16h au lac Clierlton que longe une piste: comme ça, s'il fait trop mauvais demain, j'ai une porte de sortie. Un pêcheur rencontré au camping hier m'offre ses prises, mais cuisiner du poisson laisse trop d'odeurs et je décline.

 

Jeudi 9 juin,  29km,  mi 1941 

 

Début facile puis neige encore avec deux heures de navigation difficile sans traces dans ces reliefs peu marqués. Avec ces grands arbres serrés, le GPS a du mal à fixer sa position: il faut trouver une des rares clairières pour y réussir et donc je zig-zague pas mal. Cela me confirme que les 24km au-dessus de 2.200m le long des monts Sisters, avec un itinéraire compliqué selon la carte, seraient très, très pénibles à naviguer. Donc, comme je le pensais hier soir, je vais descendre, aller à Bend puis à Sisters (la ville). En plus, j'ai besoin de remplacer une paire de chaussettes trouées; je voudrais aussi  remplacer mon filtre Sawyers mini par une taille standard car le mini est léger, certes, mais d'un débit exaspérant lorsqu'il faut traiter 4-5 litres d'eau tous les jours. Arrêt près d'un lac quelconque, juste à temps pour éviter la pluie. Après 7 jours de marche, une journée de repos fera du bien et je dois récupérer une boite à la poste de Sisters avant dimanche.

 

Vendredi 10 juin, 18km,  mi 1951   -chez Stu à Sisters

 

Il a pleuvoté toute la nuit et ce matin il bruinotte, moitié eau moitié neige. N'empêche que ce fut une journée de pure magie PCT: à peine arrivé à une route à priori difficile car en cul-de-sac, un pick-up plein me prend à l'arrière, m'emmène à Bend, me dépose au magasin de sport et... m'attend pour me conduire à Sisters où il n'allait pas! La ville est bondée car c'est le rodéo annuel et je me résous à un camping plein et désagréable lorsque, en allant à la poste, une voiture s'arrête et un type me demande :"PCT? Tu as besoin d'un hébergement?"  Je me retrouve ainsi chez Stu, dont le fils à fait le PCT l'année dernière. Le soir, il m'invite à mon premier rodéo: ambiance familiale parfaitement américaine, avec beignets, bière et un discours d'ouverture hallucinant pour un Français, tout emprunt de références religieuses et d'un patriotisme sans complexe genre "l'Amérique est là pour sauver le monde et c'est bien normal: nous sommes les meilleurs".

 

Samedi 11 juin, 0km  

 

repos. Parade dans la grande rue de Sisters, balade en voiture avec Stu, dîner chez Kat, sa voisine très croyante qui a introduit l'élevage des lamas aux USA.

 

Dimanche 12 juin, 34km,  mi?  

 

Je me suis trouvé un itinéraire à l'ouest du PCT, un peu plus long mais qui utilise des routes forestières en dessous de la neige. Petit déj chez Kat, puis Stu me conduit au début de mon parcours. Je suis en forme, les chemins sont beaux et déserts, le soleil brille, la vie est belle. Je traverse de petites parcelles récemment incendiées où les équipement de lutte sont encore en place en cas de reprise du feu. Il y a juste deux km pénibles sur une route passante pour relier deux tronçons déserts.

 

Lundi 13 juin,  39km,  mi?  

 

Cette fois-ci, les panneaux "Route fermée" étaient justifiés: sur 200m la route a été totalement emportée par un glissement de terrain ancien et jamais reconstruite; trois ravines profondes demandent de l'attention, mais une sente d'animaux indique le meilleur passage et de l'autre côté, la route reprend. En bas, de nouveau sur la route passante, je trouve dans la foulée une bonne âme qui me conduit sur les 3km de liaison avant de reprendre une route forestière, goudronnée en partie mais déserte, qui saute la colline suivante. Neige sur le PCT ou pas, je ne regrette pas mon choix car ces charmantes petites routes vides sont un plaisir. Sur ces bonnes surfaces, j'avance vite. En bas, croyant arriver dans un village, j'échoue dans un spa de luxe qui, par bonheur, me laisse traverser son terrain. Camp au bord de la rivière, par mauvais temps.

 

Mardi 14 juin, 26km,  mi 2043  -- Ollalie Lake

 

Il a pleuvoté toute la nuit. Début sur une route déserte, puis sur une route forestière... et il recommence à neiger! et il continue de neiger!! la neige tient au sol et bientôt je marche dans 5, puis 10 cm de neige fraiche. Bordel! en plus, il fait un froid de canard. Je rattrape le PCT et me dirige vers Ollalie Lake ressort  :  il doit être fermé, mais avec un peu de chance je trouverai une véranda abritée ou des toilettes ouvertes pour m'abriter un peu. Au pire, je reviendrai en arrière : je ne suis qu'à 5h d'un village.  La cabine des gardes est fermée, mais, miracle, le ressort vient d'ouvrir : il y a non seulement un magasin assez bien achalandé, avec du café chaud pour mes mains gelées, mais des cabines pas trop chères avec poêle à bois! J'en partage une avec Sergueï, un russe SOBO en attente de naturalisation: c'est le premier through hiker (marcheur faisant tout le PCT en une saison, par opposition aux section hickers qui n'en font qu'une partie) que je rencontre depuis un mois. Il neige de plus en plus fort, mais je suis au chaud et au sec avec une vue splendide: le bonheur, les miracles du PCT continuent. Je resterai ici demain pour laisser la neige se tasser et je me paye même une bouteille de vin pour fêter ça. Excellente nuit sur un vrai matelas. Dehors, il gèle à pierre fendre, ce qui n'était pas arrivé depuis longtemps. Serguei m'annonce de la neige vers Timberland, beaucoup d'abattis et un gué difficile: on verra bien.

 

Mercredi 15 juin 0Km - repos

Jeudi 16 juin, 43km,  mi 2070

 

Départ à reculons entre l'attrait de ma petite cabine chauffée et un temps gris et froid, mais départ tout de même à 7h et belle journée, avec le plus gros kilométrage à ce jour. Pas mal d'abattis effectivement, mais aussi un beau sentier sans trop de dénivelés et l'une des plus belles forêts qu'il m'ait été donné à voir: grands arbres, sous-bois dégagés, rhododendrons roses, biches et surtout l'impression que l'esprit y habite. Je commence à rencontrer d'autres marcheurs SOBO, mais ce sont tous des Section Hikers. Le temps reste froid.

 

Vendredi 17 juin,  39km,  mi 2094 - Timberland

 

Toujours cette magnifique forêt, avec un très beau chemin en balcon. Malheureusement, le plafond est bas et la vue sur le Mt Hood limitée. Je croise Sam, qui était parti avec moi de la frontière mexicaine et qui est maintenant SOBO après avoir lui aussi sauté la Sierra. Longue montée vers Timberland où m'attend une boite. Un peu de neige fondante en arrivant. Timberland Lodge est un établissement de luxe qui est bondé: j'avais appelé pour réserver une chambre (avant d'en connaître le prix!) mais mon appel n'a pas été pris en compte: après un moment de dépit, je me dis que c'est tant mieux. Il est trop tard pour retirer ma boite, et je vais discrètement planter ma tente à quelques centaines de mètres. Nuit froide de pluie et neige.

 

Samedi 18 juin, 0km, mi 2094  - Huckellberry Inn à Governement Camp.

 

Ce matin il fait un temps de cochon: vent, pluie et neige mélangés. Je récupère ma boite et regarde la météo: épouvantable. Je vais donc descendre au village de la vallée, à une trentaine de km, et m'offrir une journée au chaud. Je trouve tout de suite une voiture. Le premier hôtel est à 240$, je me rabats sur le Huckellberry Inn à 60$. Il pleut toute la journée et toute la nuit: aucun regret.

 

Dimanche 19 juin, 35km,  mi 2216  

 

Matin radieux et froid. Je remonte en bus à Timberland et pars sur une neige bien dure avec des traces, donc aucun problème. Magnifiques vues sur le Mt Hood que je contourne à mi-pente en traversant de profondes vallées taillées dans la cendre volcanique. Chemin splendide et facile, pas mal de promeneurs et des section hickers SOBO. Il semble bien que je sois toujours le premier through hiker NOBO d'après eux. Le gué de la rivière Sandy dont on m'avait dit des horreurs et qui m'inquiétait tant se passe facilement: il ne faut décidemment jamais croire les Cassandre. Un peu mal aux pieds en fin de journée car mes chaussures déchirées fatiguent: j'en ai commandé une autre paire.

 

Lundi 20 juin, 27km,  mi 2132

 

Je continue sur cette jolie section après une nuit venteuse. Je croise désormais chaque jour des section hickers partis de la ville de Cascade Locks toute proche. Je choisis de descendre par la variante de Eagle Creek: une descente raide dans la gorge, puis un très beau sentier facile, parfois creusé dans la roche et qui passe même derrière une cascade de 50m de haut. C'est tellement joli que je décide de faire une journée courte pour en profiter. Il fait délicieusement doux mais l'eau du torrent est trop froide pour moi. Bel emplacement de camp au bord de l'eau.

 

Mardi 21 juin,  19km,  mi 2144 - Cascade Locks

 

Je termine tranquillement la descente de cette magnifique gorge, avec beaucoup de marcheurs désormais, pour arriver à la route où je fais du stop: autant ça marche bien sur les petites routes, autant sur les grandes, c'est dur; c'est finalement une femme sur la petite route qui me prend. Je me pose à la Gorge Inn, la moins chère à 85$! Lessive et courses. J'appelle Stu pour lui demander l'adresse de son fils qui n'habite pas loin: il y est lui-même et propose de venir déjeuner avec moi et de m'apporter les cartes de la section suivante! Il y a des gens pas croyables. Après midi à buller devant la télé en recousant mes chaussures qui doivent encore tenir 210km.

Mercredi 22 juin,  34km,  mi 2165 

 

Après un énorme petit dej, je traverse le fameux "Pont des Dieux", un ouvrage à clairevoie qui marque la frontière du Washington. Ensuite c'est un chemin sans histoire en forêt. Il fait juste comme il faut. Je marche en jupe de pluie: c'est finalement assez bien, il faudra que je m'en fasse une mieux adaptée au beau temps. Baignade dans un gros torrent et arrêt assez tôt car après, c'est assez long avant de trouver deux mètres carrés plats.

 

Jeudi 23 juin, 32km,  mi 2185 

 

Il bruine et il pleut toute la journée. C'est curieux comme le changement Oregon/Washington est net: ici, c'est beaucoup plus montagneux - bonjour les dénivelés - et le sol doit être différent car les arbres sont plus gros et il y a moins d'abattis. A midi, je prends 4 litres d'eau en me disant que je n'arriverai sans doute pas à la prochaine source: je ne sais pas si j'ai eu raison ou si c'est justement ces 4kg en plus, mais après un après-midi à grimper sans arrêt, j'en ai ma claque et me pose près d'une piste carrossable, toujours sous la pluie. Bizarre: une voiture est venue dans mon cul-de-sac m'éclairer, a klaxonné, puis est partie avant que je puisse sortir: peut-être le trailer qui est passé sans rien dire il y a une heure?

 

Vendredi 24 juin, 29km,  mi 2203  

 

Comme prévu, crachin, pluie, neige, vent et nuages toute la journée. Le chemin s'est transformé en ruisseau et je n'ai d'autre choix que de marcher dedans. Les buissons déchargent sur moi leurs gouttes froides.  Je marche sans m'arrêter de peur de trop me refroidir car je grelotte déjà, mais rien n'y fait et plus l'heure avance plus je suis glacé. Je ne sens plus ni mes pieds ni mes mains, j'ai arrêté de grelotter et j'ai sommeil: je crains que l'hypothermie ne soit pas loin, alors je m'arrête un peu en urgence au Blue Lake pour me mettre à l'abri. Je me fais une frayeur en mettant plusieurs minutes à défaire la boucle de mon sac à dos avec des doigts qui refusent de m'obéir, mais une fois dans mon sac de couchage et avec un thé chaud, ça va beaucoup mieux. Dure journée.

 

Samedi 25 juin, 37km,  mi 2226

 

Ce matin, grand beau! Ouf. Par contre la forêt dégouline, les ruisseaux sont gonflés et le chemin est à l'ombre toute la matinée, mais c'est drôlement bien de revoir le soleil: nous sommes vraiment des créatures de la lumière! En voulant traverser un torrent, je mets les deux pieds dedans: bof, je ne pouvais pas être beaucoup plus mouillé. Vers 10h je réussis à faire un peu de séchage. Je retire ce que j'ai dit sur les abattis dans le Washington: non seulement il y en a, mais il y en a beaucoup et ils sont énormes et pas toujours faciles à passer. Du coup, je mets longtemps et n'arrive au camp qu'à 18h passée. En plus, mes talons maltraités par des jours de chaussures mouillées se rappellent à moi et les moustiques sont de retour: vive le PCT!

 

 

Dimanche 26 juin, 34km,  mi 2247

 

Quelle magnifique journée! Grand bleu, paysages alpestres splendides avec le Mt Adams en toile de fond, de la neige dure avec des traces qui indiquent la voie. Les pieds sont toujours mouillés bien sûr et mes pauvres chaussures qui ont plus de 1.400km sont pleines de trous, mais ce n'est pas un bien grand prix pour tant de beauté. Je suis réconcilié avec la neige et n'arrête pas de prendre des photos; Voilà des jours qui font comprendre pourquoi on s'embarque sur le PCT. Même pas trop d'abattis et plein d'eau partout. Moustiques le soir tout de même.

 

Lundi 27 juin,  39km,  mi 2271  

 

Belle journée mais ouf, content d'être arrivé. La fin, avec ses longues traversées à flanc en neige molle et mouillée est particulièrement éprouvante. Heureusement j'ai toujours mes 2 ou 3 ouvreurs inconnus qui font la trace, donc pas de navigation. Demain la partie haute est en matinée, ça devrait moins enfoncer. J'ai terminé la journée en passant à gué tous les torrents car je ne pouvais pas avoir les pieds plus trempés qu'ils ne l'étaient déjà. Belle vue du camp sur l'immense cirque que je viens de contourner et personne, évidemment.

 

Mardi 28 juin, 31km,  mi 2290  

 

Magnifique, mais parfois tendu aujourd'hui: je suis arrivé vers 9h à la traversé nord sous le mont Old Snowy suivie d'une longue crête acérée: la neige était encore très dure et le fond des traces en glace alors que je n'ai plus que le piolet. La pente doit être un bon 40° et dévale sur des centaines de mètres: très, très longue glissade en cas de chute! Alors on serre les fesses et on plante bien le piolet à chaque pas précautionneux. Mais le jeu en vaut la chandelle car c'est magique, très alpin, dégagé, aérien. Les deux traces que je suivais se trompent en continuant à descendre un vallon alors qu'il faut en sortir, mais je m'en rends compte à temps : je ne les retrouverai qu'une dizaine de km plus loin, je ne sais pas par où ils sont passés. Je vais de crête en crête, les vues sont à rêver. Un peu de neige molle sur la fin et je me pose à 5km de la route. Il y a des milliers de moustiques, mais bizarrement je ne semble pas les intéresser. Demain, c'est la grande aventure du stop pour rejoindre Portland (car je dois retrouver un ami le 21 juillet à Reno pour le Sierra Nevada et faire auparavant les autres sections laissées de côté à l'aller).

 

Mercredi 29 juin, 5km, mi 2292  -  White pass  & Portland.

 

Journée de bonnes surprises! A peine arrivé sur la route, avant même d'avoir eu le temps de replier mes bâtons, une vieille jeep s'arrête et un jeune apiculteur me prend pour les 40km à venir puis, au fil de la conversation, il accepte de me déposer à l'autoroute n°5, 120km plus loin et finalement il propose de me déposer à l'arrêt des bus Greyhound, encore 30km plus loin! Et le bus passe 30mn plus tard! Résultat, moi qui craignais tant ce trajet à priori délicat, je suis à Portland à 13h où je prends un hôtel et fais tous les magasins de sport pour trouver des piquets de tente, du gaz, un nouveau brûleur puisque le joint du mien est irremplaçable ici et une nouvelle polaire, la mienne ayant rétrécie au séchage industriel des lavomatics. Je dois aussi acheter un bout de mousse pour doubler la ceinture ventrale de mon sac à dos: j'ai perdu du tour de taille et n'arrive plus à serrer assez la ceinture! Au retour, je passerai par l'est car les connections devraient être plus faciles pour le stop (pas de bus sur la petite route de White pass, évidemment).

 

Jours de marche: 78, dont 12 néros

jours de repos et transit : 16