Journal de marche du CDT

 

Section  15 : de Pinedale à Encampment.

 

17 au 27 août, 208 miles (335 km), 8.100m montés, 83 heures de marche à 4 km/h.

 

 


La première voiture qui passe me prend pour remonter vers le CDT et je suis le premier à partir, donc tranquille. La forêt cède peu à peu la place aux rochers, avec pas mal de montées-descentes. Une fumée au vent, à l'ouest,  m'inquiète, mais elle ne semble pas trop bouger: ce soir, je dormirai tout de même à l'est d'un lac sur une prairie bien dégagée, histoire de ne pas me faire surprendre par un incendie. Avec le froid, les moustiques ont pratiquement disparu: ouf. Au matin, mon sac de couchage est givré dans la tente! Pas de traces du feu d'hier. Le chemin, très pierreux, parcourt de grandes étendues parsemées de lacs. Je suis aux alentours des 3.000m d'altitude et cela se sent dès la moindre montée. Je choisi la variante du "Cercle des Tours" aux pinacles rocheux impressionnants, surtout avec la belle lumière du soir. Camp exposé à 3.000m: j'espère que le vent va tomber (mais plus bas il y avait du monde). Le 19 est une journée absolument splendide, une des plus belles de tout le CDT, mais brisante: 3 cols dont deux droit dans la pente en cailloutis instables et quatre passages dans de gigantesques éboulis à faire de l'équilibre entre les blocs, avec le reste du chemin abrupt, peu visible et peu roulant. Je crois que je n'ai jamais été aussi lent et à 17h, je suis vanné, vidé. Mais , vingt dieux, cela en vaut la peine! Le Cercle des Tours est une merveille et en plus j'y suis arrivé au meilleur moment: l'aube. Le reste est à l'avenant, du pur rêve. Gag: au beau milieu d'une vallée déserte et sans route, j'aperçois de l'autre côté de la rivière, côté sans chemin... un lit métallique abandonné!

 

 

 

 

le 20, je quitte les Winds pour entrer dans le désert: il va de nouveau surveiller les points d'eau. Au passage, visite de South City, un village de chercheurs d'or abandonné vers 1850 et transformé en musée. Arrêt à Atlantic City (58 habitants) avec ses clients du bar le révolver à la ceinture, et j'entre dans le désert. Contrairement à ce que croyais, il est loin d'être plat, du moins au début. Des chevaux sauvages, des antilopes pronghorn rapides et beaucoup de vaches farouches mais qui salopent les points d'eau déjà contaminés par le nitre. Le CDT emprunte de larges pistes carrossables; entre la monotonie du paysage, le manque d'eau et la facilité du chemin, je vais faire plus de 50 km par jour sur les trois jours de traversée. Le soir, le vent est fort, violent deux fois sur trois: je vais dormir sur ma tente plutôt que dedans pour ne pas risquer un arrachement sur ces sols instables; Les journées sont très sèches, mais pas étouffantes. Le grand Bassin est presque plat, monotone, ennuyeux: c'est un peu la rançon des  Winds si beaux.

 

 

Le prends un jour de repos à Rawlins le 26, puis repart pour une dernière étape de désert que j'aborde à reculons. Le CDT suit une route, puis une grosse piste parfaitement ennuyeuse. Il fait chaud, j'ai l'impression d'être collé au milieu du paysage sans avancer, l'eau est mauvaise, je suis fatigué malgré mon jour d'arrêt, c'est pas la joie. Alors, lorsqu'en fin de journée une voiture s'arrête spontanément pour me proposer de m'emmener à Encampment, je craque et j'accepte: deux jours de désert sautés. Au vu du reste du chemin, pas de regret: c'était pas mieux après. Au village, la poste n'a plus mon paquet de ravitaillement envoyé deux mois et demi auparavant, mais l'épicerie du coin est suffisante pour mes besoins, d'autant plus que j'ai encore de la bouffe de l'étape précédente. A partir d'ici, il y aura de l'eau: youpie, et des arbres, re-youpie!